Lois et expériences dans l’entre-deux-guerres, des invalides aux handicapés
Transfinis - juin 2020
Version d’origine de l’article Lois et expériences dans l’entre-deux-guerres, des invalides aux handicapés, initialement paru dans ALTER, Revue européenne de recherche sur le handicap, numéro spécial, coord. G. Brégain, H.J. Stiker, J.C. Coffin, Elsevier, en septembre 2019.
La Première Guerre Mondiale, l’après-guerre et l’entre-deux-guerres sont incontestablement des périodes charnières, et à bien des égards fondatrices pour les personnes handicapées de nombreux pays d’Europe, dont la France qui sera étudiée ici. De quelque point de vue que l’on se place, il semble que leur situation ait été profondément modifiée – médicalement, professionnellement, socialement – suivant des processus qui se sont poursuivis jusqu’à nous. Mais, plus encore qu’à la complexité des liens entre cette époque et la nôtre, il faut faire attention à la complexité du tableau et du cours historique de ces années. À y regarder de près, aucun changement n’y fut global, ni définitivement ou facilement établi. C’est ce qu’il convient de marquer dans un premier temps, afin de pouvoir établir que l’absence d’univocité historique ou culturelle de cette période vis à vis des invalidités n’empêche pas qu’il s’agisse aussi d’un moment où s’enclenche, puis se déploie une logique d’ensemble dont la dynamique n’a jusqu’à présent jamais cessé. C’est une transformation des possibles, et non pas nécessairement des faits, qui a en effet été ouverte avec la Première Guerre Mondiale, où des positions et des choix sociaux ont été permis aux invalides – sans pour autant leur être offerts avec facilité. Il faut comprendre l’entre-deux-guerres à partir d’un changement structurel des conditions d’existence des personnes invalides, où les situations envisageables pour celles-ci ont été modifiées, sans que pour autant ces personnes changent réellement de vie ou puissent le faire.
Le changement décisif, qu’il convient alors dans un second temps d’étudier de plus près, qui a provoqué les variations historiques de cette période sans les déterminer complètement, se situe sur un plan juridique. Il touche au droit de travailler tout en étant considéré comme invalide physique, ce qui donne droit à être assisté sans condition. S’ouvre par là une ambiguïté fondatrice, celle que porte le concept de handicap, celle de l’invalide apte à travailler, c’est-à-dire non plus coupé définitivement des valides, mais distingué d’eux par une différence de degré qui donne en même temps une qualité. Cette transformation fut chronologiquement première dans la période des années 1910-1930, puisque la remise des mutilés de guerre au travail fut proposée dès novembre 1914 par des gens aussi dissemblables que Herriot et Barrès, et aussitôt appliquée. Et elle fut aussi logiquement déterminante pour les autres changements qui se produisirent alors : généralisation et affinement des évaluations fonctionnelles, mise en œuvre conjointe des rééducations médicales et professionnelles, c’est-à-dire des réadaptations, adoption de quotas d’emplois pour les invalides, formulation de nouvelles revendications et discours des invalides sur eux-mêmes.
On se consacrera particulièrement ici à ce dernier aspect des choses, celui de la transformation de l’expérience de l’invalidité par les invalides, pour au moins trois raisons : parce qu’il a sans doute été le moins étudié, parce qu’il permet de saisir au travers de la complexité d’expériences l’unité fragile et précaire des réformes de l’entre-deux-guerres, enfin parce que s’y joue le sort des tous les handicapés sans distinction, militaires, civils, congénitaux ou acquis. Il ne semble en effet pas qu’avant l’entre-deux-guerres on puisse trouver de récits de soi d’handicapés civils adultes tournés vers leur rôle social, leurs aptitudes fonctionnelles et leurs capacités de travail. Or tout indique qu’en France, cette conception et ce vécu de l’invalidité comme handicap se sont formés et étendus à partir des droits exceptionnels accordés aux mutilés de guerre puis, sur cette base, revendiqués par certains infirmes civils afin de changer leur vie, jusque là misérable.
De l’étude des processus historiques précaires qui affectent les invalides dans l’entre-deux-guerres au changement central qu’a été le droit au travail, de ce droit à la formulation d’une nouvelle expérience des invalidités, de cette nouvelle expérience à son partage et à son extension : c’est ce parcours que l’on voudrait esquisser ici, dans l’espoir d’autres lectures ou archives à venir.
1 L’entre-deux-guerres : des changements réels aux changements précaires et partiels
1.1 Des modifications de la médecine et du travail, des revendications et des représentations
La guerre 14-18 et ses suites ont été riches de nombreux changements pour les personnes invalides, dans des domaines variés – traitements médicaux, rapport au travail, types de revendications, représentations sociales. On peut à chaque fois en donner des exemples nets.
Les dégâts irréversibles subis par les corps mutilés ont provoqué la mise au point ou le développement de traitements nouveaux, ainsi qu’il en a été pour toutes les autres pathologies de guerre. Les rééducations professionnelles ont tout particulièrement et très rapidement été élaborées comme remédiation pour les mutilés. La mise au point des prothèses connaît de grands progrès et rencontre un succès qui ne se dément pas avec la fin du conflit. Les propositions de Jules Amar, professeur au Conservatoire des Arts et Métiers résumées dans sa conférence de 1916 La prothèse et le travail des mutilés, en sont un des principaux jalons. Les prothèses jouent un tel rôle rééducatif qu’en 1921, les associations de mutilés de guerre d’Europe sollicitent le Bureau International du Travail pour faire la publicité des prothèses et constituer leur archive (BIT, 1921-1940). D’autres traitements, comme les mécanothérapies, connaissent des succès moindres et plus intermittents, mais ne s’en développent pas moins d’une façon décisive à l’occasion de la guerre (Rémondière, 2014).
Récupérer de la force par la mécanothérapie, de l’habileté par les prothèses : le but des rééducations médicales est étroitement liée aux rééducations professionnelles. Celles-ci naissent quasiment au cours de cette période. On en trouve certes quelques traces, très rares en France et même à l’échelle Européenne, avant 1914 (Jeanbreau, 1910 ; Bourillon, 1916). Mais elles s’imposent comme remédiation médico-sociale pendant le conflit : on compte 160 écoles de rééducation professionnelles en février 1917, contre trois établissements de ce type avant-guerre, tous concentrés en région parisienne (Montes, 1991).
Le rapport au travail des invalides sort ainsi profondément transformé de la Première Guerre Mondiale. Celle-ci, en effet, met fin à une division séculaire, établie depuis la fin du Moyen-Âge, entre les travailleurs et les invalides, qui définissait ces derniers par leur incapacité au travail ce qui leur donnait droit à l’assistance (Geremek, 1987 ; Castel, 1995) Si la loi de 1905 reprend encore cette structure, ce qui fait considérer ensemble les vieillards, les infirmes et les incurables dans l’assistance publique (Juéry, 1906), la compatibilité entre travail et invalidité est affirmée dès 1914 face à l’afflux de mutilés qui fait craindre l’insuffisance et le trop grand coût des systèmes d’assistance habituels ; l’octroi d’une pension inaliénable et un droit à rééducation professionnelle sont ensuite promulgués immédiatement après-guerre, notamment dans la loi dite Lugol du 31 mars 1919 (Viet, 1915). Des chevauchements inédits apparaissent de la sorte entre invalides et travail, dont la loi française de 1957 sur le « reclassement professionnel des travailleurs handicapés » est un avatar parmi d’autres. De même, la médecine et le travail se croisent d’une nouvelle manière, puisque la Première Guerre Mondiale voit définitivement une évaluation fine et fonctionnelle des invalidités s’instaurer, en s’étendant des accidentés du travail aux invalides de guerre. C’est en mars 1916 qu’est créée la Commission du guide-barème des invalidités qui réunit parmi les plus grands experts médicaux de l’époque, fixant des modalités de jugements et des pourcentages d’invalidités dont beaucoup sont encore les nôtres (Coll., 1918 ;Viet, 2015).
Autre plan où eurent lieu des bouleversements, celui des revendications des personnes invalides, changées dans leur forme comme dans leur fond. La Première Guerre Mondiale fait naître de nombreuses associations d’anciens combattants regroupées en puissantes fédérations (Union Fédérale, Union Nationale des Combattants, Union Nationale des Mutilés et Réformés) qui portent auprès du public la voix des mutilés de guerre, eux-mêmes à l’origine du premier regroupement de soldats dans l ’association générale des mutilés de guerre, fondée en août 1915 dans un hôpital (Prost, 1977). Naissent également, une dizaine d’années plus tard et pour la première fois, des associations d’invalides civils, dont l’ADAPT (la Ligue pour l’Adaptation au Travail du Diminué Physique) fondée en 1929 par Suzanne Fouché ainsi que l’Association des Paralysés et Rhumatisants fondée par André Trannoy en 1935 (qui se renommera l’Association des Paralysés de France), deux associations qui existent encore aujourd’hui. Pour les invalides militaires et civils, comme on le verra ensuite, il ne s’agissait plus alors de demander la charité, mais d’obtenir, de relayer ou d’améliorer des droits inédits (au travail, à rééducation, à pension, etc), suivant des lignes de force qui se sont poursuivies jusqu’à maintenant.
Corrélativement à toutes ces transformations, ce sont les représentations sociales de l’invalidité qui ont aussi changé. Le sacrifice des soldats fut mis en avant, et au premier plan celui des mutilés de guerre, par exemple lors des premières cérémonies de commémoration. L’invalidité ne fut plus fatalement une cause de relégation. Certains blessés de la face, les gueules cassées au sens strict, purent se marier avec leurs infirmières (Delaporte, 1996, 1999). Plus répandue, étant donné les 2 millions d’invalides dont 300000 mutilés (Becker, Audouin-Rouzeau, 2000), l’invalidité fut ainsi mieux apprivoisée par les familles et le public. Elle put devenir une cause politique nationale à part entière, comme le montre par exemple l’instauration de la loterie nationale en 1933.
1.2 L’absence d’univocité et de globalité des changements de l’entre-deux-guerres
Ce dernier point est aussi celui, cependant, qui alerte sur l’exacte portée des bouleversements survenus. Il serait très excessif de faire de la Première Guerre Mondiale le point de départ d’une acceptation globale et consensuelle des invalides au sein de la société. Parfois mariés ou remariés, les gueules cassées ne rencontraient pas moins de grandes difficultés avec autrui, jusque dans leurs familles. C’est ce qui explique non seulement les efforts faits pour soigner ou camoufler les blessures du visage, mais aussi que ces blessés aient ouverts des lieux où se retirer, temporairement ou définitivement (lieux qui existent, encore une fois, encore actuellement). Leur cas peut paraître extrême. Mais, de manière plus générale, on peut remarquer que, malgré les horreurs de la guerre, les exhibitions de monstres humains ne disparaissent que très progressivement en France au cours de l’entre-deux-guerres, et que la dernière occurrence des Freak Shows s’éteint à Lyon dans les années 1950, au moment même où la loi accorde une aide à tous les invalides sans distinction, en 1949 (Bogdan, 2013 ; Courtine, 2006). C’est dire la lenteur des changements des représentations, sa complexité, ses ambiguïtés, la multitude de ses facteurs qu’il faut distinguer, hiérarchiser et accumuler (guerre, médecine, cinéma, subsistance, etc…).
Il faut donc reconsidérer avec précaution la riche et brève période des années 1910-1930, en mesurant la précarité des modifications survenues, aux côtés de leur réalité. Ce n’est que sur le fond de cette précarité pleinement saisie qu’il est ensuite possible de cerner la teneur de la rupture apparue avec la Première Guerre Mondiale.
Ainsi, le nombre des établissements dédiés aux rééducations professionnelles baisse immédiatement après la guerre. 160 en février 1917, ils sont 126 en février 1919 et dès le 14 janvier 1919, une circulaire préconise la dissolution des œuvres de guerre, ce qui provoque la fermeture de la plupart d’entre elles (Montes, 1991). En 1939, on en compte 9. Quelque chose des rééducations professionnelles a donc traversé l’entre-deux-guerres, sans qu’on puisse cependant en faire l’histoire d’un développement linéaire. Un constat similaire peut être fait au sujet du droit au travail et à pension, adoptés en mars 1919. Cette innovation juridique fut immédiatement freinée et cantonnée à un statut d’exception, réservée aux anciens combattants et destinée à disparaître avec eux afin que l’organisation socio-économique du travail n’en soit pas trop bouleversée, ni trop durablement. Par exemple, les quotas d’emplois pour invalides de guerre furent prévus par la loi de 1919 pour les emplois publics, leur proportion fixée à 10 % pour tous les types d’emplois par la loi du 16 avril 1924, mais les derniers décrets d’application nécessaires ne sont publiés qu’en juin 1928 et la justification du respect du pourcentage exigée des entreprises par le Conseil d’État en septembre 1930. Tous ces droits, en outre, ne furent ouverts aux victimes de guerre et totalement fermés aux invalides civils ou aux accidentés du travail. Ceux-ci n’eurent droit aux rééducations professionnelles dans les établissements ouverts pour les anciens combattants qu’en 1924, et à leurs frais jusqu’en 1930. De la sorte, en un mot, dans l’entre-deux-guerres, le sort des handicapés civils était encore essentiellement régi par la loi de 1905.
Du côté de la médecine, on aurait également tort de croire à une continuation des progrès, et même, aussi paradoxal que cela puisse paraître, des savoirs et pratiques apparus avec la guerre. Le succès des prothèses est l’exception et non la règle. Les rééducations motrices, pourtant essentielles pour l’apprentissage de la coordination des mouvements, ne furent pratiquement pas mises en œuvre en 14-18, et quasiment oubliées ensuite. L’absence total de traitement rééducatif de Jacques d’Arnoux, pourtant officier et laissé à son lit d’hôpital, illustre la faiblesse des thérapies de l’époque en dehors de quelques techniques, et pour certains cas (D’Arnoux , 1925). Le non-usage des rééducations motrices pour les poliomyélitiques dans l’entre-deux-guerres, et leur sort en général, est également éclairant bien qu’on ne puisse que l’évoquer ici. Les quelques rares spécialistes – 5 services en France, dont trois ouvrent au cours de cette période – ne cessent de s’en plaindre, jusqu’à la fin de la Seconde Guerre Mondiale (Bidou, 1931 ; Rousseau, 1939 ; Duhem, 1941). Si ce cas est celui d’invalides civils, la plupart du temps enfants, le suivi purement sanitaire des militaires eux-mêmes ne paraît guère avoir été efficace : la mortalité des invalides de guerre semble avoir été plus élevée que celle des autres anciens combattants suivant une étude belge portant sur la période allant de la fin de la guerre au 1er janvier 1933 (76/1000 contre 34/1000), alors que les anciens combattants dans leur ensemble étaient eux-mêmes plus fragiles que les civils, avec 28 % de décès contre 8 % au cours de la même période (Le Mutilé, organe de l’union des mutilés et anciens combattants, région beaujolaise, 1919).
1.3 Variations des invalides autour des mêmes coordonnées : octroi de pension et rapport au travail
Si la médecine et les dispositifs en faveur du travail incitent à voir dans l’entre-deux-guerres un moment de ralentissement, de freinage ou d’arrêt de ce que la Première Guerre Mondiale avait initié, si les représentations de l’invalidité ressortent de valeurs multiples dont il faut considérer l’ensemble, les prises de position des invalides dans toutes ces évolutions en cours compliquent encore le tableau, parce qu’elles varient en fonction des types de handicaps, et même des situations individuelles.
Il est en effet impossible d’assigner à cette époque, comme aux autres moments de l’histoire, les invalides à une identité de destin. D’une part, on l’a vu, les dispositions relatives aux pensions et au travail ne touchent pas directement les invalides civils, dont la situation ne change donc pas, du moins dans les mêmes proportions et pour les mêmes raisons. D’autre part, tous les invalides militaires eux-mêmes ne sont pas pris en charge de la même manière. Le montant des pensions varie selon les grades, les modalités de rééducation ont elles-mêmes varié en fonction des niveaux de richesse – on propose aux gradés des ateliers de lecture, et aux simples soldats un apprentissage de la vannerie ou de la brosserie (Fédération Nationale d’assistance aux mutilés des armées de terre et de mer, comité de Paris, 1917). Enfin, qu’ils soient civils ou militaires, c’est avant tout pour les invalides physiques adultes, et non pour les invalides sensoriels ou pour les enfants, pas non plus pour les aliénés, que l’entre-deux-guerres marque une période de transformation profonde. Le cours de l’histoire est différent selon les types d’invalidités, et les années 1910-1930 ne sont une charnière que pour les invalides physiques adultes – ne serait-ce que parce la prise en charge médico-sociale des autres types d’invalidité a commencé à se systématiser avant cette époque.
De là, les variations au sein des invalides physiques adultes doivent être prises en compte. Aucune des lignes de force qui se dégage autour des invalidités dans l’entre-deux-guerres n’a eu de forme simple ou d’effet univoque, même pour les plus nettes d’entre elles. Le cas de la compatibilité entre invalidité et emploi, fixé juridiquement, n’échappe pas à la règle. Il est même à cet égard emblématique. En effet, le cheminement historique difficile de cette idée d’invalides travailleurs, malgré son évidence au début de la Première Guerre Mondiale, est aussi celui d’un droit, qui n’oblige pas ceux qui le possèdent à l’activer et qui n’est pas octroyé à d’autres (les civils), pourtant dans des situations similaires. Les incertitudes sont multipliées.
Certes, à première vue, ce droit relaie des directions très claires et consensuelles, pour tous les acteurs en présence : quoi de mieux que le travail des invalides pour leur assurer une subsistance, une intégration sociale, alimenter la production nationale et réduire le coût de leur assistance ? Les pouvoirs sociaux, les projets des radicaux socialistes, politiquement les plus puissants dans l’après-guerre, les intérêts des invalides (Viet, 2015) devraient se rejoindre. Mais le patronat, comme on l’a vu, fut réticent au dispositif. Le chômage des mutilés fut toujours élevé et supérieur à la moyenne quelles que soient les années. C’est aussi que, étonnamment, de leur côté, les mutilés ne se livrèrent pas nécessairement à une activité professionnelle, même si leurs pensions restaient fort modiques. Une partie des postes réservés par les quotas restaient non pourvus, faute de candidats (Montes, 1991).
Les explications possibles à ce sujet restent malaisées à étayer, faute d’archives, et bien que la population des anciens combattants ait été administrativement suivie de près. Pourquoi certains travaillèrent et d’autres pas, peut-être en grand nombre ? La difficulté à trouver ou à créer des emplois faute de productivité suffisante n’explique pas tout. Un directeur d’école, lui-même mutilé, notait dans les années 20 l’importance du facteur psychologique pour la reprise d’une profession : le dégoût de soi ou de la société qui avait provoqué la guerre et la mutilation pouvait détourner du travail (Canivez, 1921). Plus récemment, Stéphane Audouin-Rouzeau a retracé l’instabilité et le désarroi de son grand-père dans l’après-guerre (Audouin-Rouzeau, 2013), aux côtés d’autres historiens qui ont souligné, par de nouvelles archives, combien la reprise de la vie quotidienne avait été changée et complexe, affectivement et socialement, pour les individus, les couples ou les familles (Cabanes, Piketty, 2009). On ne peut saisir en tous cas les invalides de guerre d’un bloc malgré leur sort commun. Il faut admettre qu’ils n’ont pas eu, suivant leurs invalidités et leurs situations singulières, les mêmes prises de positions face aux possibilités identiques qui leur été données. Ce qu’il faut plutôt comprendre, ce sont, pour autant qu’on puisse y accéder, les raisons de leurs différents positionnements par rapports à leurs nouveaux droits, pension et travail. Par quelles réflexions, discussions, arguments, en sont-ils venus à défendre non seulement le maintien de la pluralité des possibilités qui leur étaient désormais ouvertes, mais aussi leur chômage ou leur reprise d’une activité professionnelle ?
Ce point nous paraît être un des points clés pour comprendre en général le devenir de l’invalidité et des invalides durant l’entre-deux guerres. Alors que tous les autres changements sont en effet précaires, locaux, en un mots contenus quand ils ne s’éteignent quasiment pas, le droit au travail avec pension fut en effet pérenne tout en étant diversement utilisé. Ni oublié, ni réduit même si sa mise en œuvre ne fut pas spontanée, il correspond ainsi à la forme historique complexe de ce temps, sans pouvoir être minoré comme cela est le cas pour les autres processus historiques, notamment pour les rééducations médicales. C’est à travers lui que se produisit l’unification socio-politique de toutes les invalidités, par la reprise revendiquée de ce droit au travail des invalides militaires par les invalides civil ; c’est à travers lui que se fit une défense politique et publique d’un droit spécifique aux invalides, déliés des pauvres ou des vieillards, qui devint, progressivement, commun à tous les invalides. Mais le caractère décisif de ce droit va pourtant de pair avec des variations dans son usage, qui rendent compte, immédiatement, de la diversité des invalides et de la complexité de l’expérience de l’invalidité, changeante entre les groupes ou les individus.
En d’autres termes, l’analyse de l’apparition de ce droit peut être privilégiée parmi les perspectives historiques envisageables sur l’entre-deux-guerres pour deux raisons. Parce que ce droit provoque une modification durable et d’ensemble, inscrite dans l’universalité et la pérennité propre au juridique, en partie soustrait aux changements politiques et sociaux ; parce que simultanément, ce droit permet des usages et des modes de vie variés de ceux qui le possèdent. Par ses deux aspects, cela permet de rendre compte entre les années 1910 et les années 1930 d’une rupture historique décisive, structurelle, qui ne se donne pourtant pas à lire comme un changement global des situations, des subjectivités ou des représentations.
C’est pourquoi, enfin, il nous semble qu’il faille saisir cette apparition comme une expérience. Il ne faut pas seulement comprendre ce droit sur le seul plan juridique, pas non plus au travers de tel ou tel parcours singulier. Il faut retracer le parcours d’un événement vécu, dont l’appropriation a été progressive bien que les conditions en aient été fixées dès le départ, comme quelque chose dont les causes (le droit) ne se confondent pas tout à fait avec les effets (le vécu de l’invalidité) et où pourtant les deux se rejoignent en se renforçant mutuellement, sur un plan indissociablement individuel et collectif. Il nous semble en plus que cette nouvelle expérience de l’invalidité est ce qui permet de donner le maximum d’unité à l’entre-deux-guerres pour les invalides, sur les plans politiques, sociaux ou médicaux, quels que soient l’hétérogénéité des cheminements historiques à l’œuvre. On voudrait donc brièvement peindre ce qu’on peut désigner comme expérience du handicap, dans ses débuts, à partir de quelques archives que l’on espère plus tard compléter. Comment se pense l’invalidité si celle-ci va de pair avec des dispositifs particuliers qui promettent un destin commun avec les valides, et non plus seulement une assistance liée à une vie fatalement diminuée, et autre ?
2 Nouveaux droits, nouvelle défense politique, nouvelles expertises et représentations de soi
2.1 L’expérience politique d’une défense des possibles : les mutilés de guerre et leurs droits
C’est d’abord sur un plan politique que l’expérience se fit, ou du moins qu’elle est la plus facilement lisible, comme combat pour l’exercice d’une liberté. En premier lieu, puisque le droit à pension et le droit au travail ne sont pas alternatifs l’un de l’autre, ils peuvent être cumulés, ce qui ouvre aux mutilés une liberté de choix sur l’exercice éventuel d’une activité professionnelle. Il leur faut donc se prononcer à se sujet, justifier leur avis, et surtout maintenir cette possibilité ouverte d’un point de vue institutionnel et juridique. D’un côté, ils s’efforcent ainsi de défendre leur droit à travailler malgré leur invalidité. « Eh ! puis, quoi ? La pension est elle une réparation du dommage physique causé ou une prime à la paresse ? », s’exclament-ils (Le Grand Invalide, organe officiel de la fédération nationale des plus grands invalides de guerre, 1933, n°90)1. La possibilité de cumul repose alors sur le lien légitime qui unit désormais invalidité et travail productif qu’ils ne manquent pas de rappeler. On peut ainsi lire sous la plume des grands blessés qu’ « il n’est pas dans [leurs] intentions de défendre les grands invalides qui, uniquement par appât du gain, s’accrochent à un emploi sans avoir la volonté de fournir le rendement normal du travail exigé par l’emploi. Mais [qu’ils] défendront âprement ceux qui, par amour propre, par leurs capacités intellectuelles, et malgré leurs grandes infirmités, remplissent leurs fonctions normalement et à la satisfaction de leurs chefs ».
D’un autre côté, ils réaffirment autant de fois que nécessaire la compatibilité entre le versement de leur pension et l’exercice d’une activité professionnelle, ce qui implique de découpler celle-ci de ses seuls enjeux financiers et productifs. Ils usent dans cette perspective d’une multitude d’arguments. Leur effort est exemplaire, disent-ils : « Peut-être aurait-on pu admirer cet effort magnifique ». Leur travail leur permet de poursuivre leur participation à la société et à la nation, ainsi qu’ils l’ont déjà fait pendant la guerre. « A présent que, par un sentiment dont les mutilés apprécient toute la valeur morale, leur pays leur a donné des moyens d’être, par le travail, utiles à quelque chose dans la vie, peut-il être question de leur imposer un farniente auquel ils se refusent énergiquement ? ». Ce travail leur fournit aussi des revenus supplémentaires rendus nécessaires par la modicité des pensions : « Si la collectivité a le devoir de prendre à sa charge le dommage corporel subi par ceux qui se sont battus pour elle, n’a t-elle pas le devoir de veiller à ce que ses défenseurs aient une vie décente et surtout à ne pas les décourager quand ils se donnent un mal inouï à la gagner et à la mériter », rappellent-ils. Ce n’est pas tout. L’activité professionnelle a également des bienfaits sanitaires qu’il ne faut pas oublier : « A l’encontre d’un malade, un Grand mutilé a tout intérêt à se dépenser physiquement, son moral, et par suite sa santé ont tout à gagner d’un exercice actif ».
Socialisation, égalité, bien-être matériel et sanitaire deviennent les raisons pour lesquelles le travail des invalides doit être permis et étendu. Les secours minimum de la charité et les effets moraux du travail qui prévalaient jusque là dans les dispositifs d’assistance sont largement dépassés. Le travail est un droit des invalides, non un devoir juridique ou moral comme il avait pu l’être dans les vénérables workhouses. En défendant un travail sans obligation, compatible avec une pension inaliénable, les invalides de guerre déplacent définitivement les arguments par lesquels le travail des infirmes pouvait être défendu.
2.2 Des lectures fonctionnelles de l’invalidité à leur critique et à leur dépassement
Ce combat juridique et politique est immédiatement mêlé d’intime : car au fond, c’est toujours la souffrance qui ouvre désormais à des droits, et non plus à la pitié. Les capacités fonctionnelles restantes ne peuvent en aucune façon obliger à un travail, et ne disent rien des souffrances passées ou présentes des anciens combattants blessés. « Une autre théorie, généralisée celle-là, tend à mesurer l’invalidité à l’activité déployée par les mutilés, ce qui revient à dire que, de deux hommes atteints de la même infirmité, celui qui se meut le plus est le moins invalide. Voire ! Leurs caractères sont sans doute différents. S’il plaît à l’un de rester inactif et à l’autre de se remuer, c’est leur affaire. Il n’en reste pas moins que leurs corps sont semblablement mutilés. Une seule chose doit compter: l’individu tel que la collectivité l’a rendu à la vie civile et le barème de pension fixé par le législateur » (Le Grand Invalide, organe officiel de la fédération nationale des plus grands invalides de guerre, 1937, n°124). L’invalidité, acquise dans le cadre social de la guerre qui l’a provoquée, ouvre à des droits absolus sur lesquels aucun autre type de jugement ne peut prévaloir.
Par là, il n’est pas seulement question de la place politique du travail des invalides, l’évaluation des invalidités, profondément réformée, est aussi touchée. Elle fait désormais l’objet de jugements juridico-médicaux raffinés aux assises scientifiques, et les mutilés y trouvent également un nouvel espace de prise de parole. Ils se livrent à une multitude de critiques, et celles-ci ont deux effets décisifs. Elles énoncent ce que provoquent les invalidités, et font accéder au discours, à la parole, la spécificité des invalidités. Celles-ci restent décrites comme une souffrance, mais celle-ci est précisée, elle n’est plus douleur générale et indifférenciée. En parallèle, s’énonce la puissance particulière des invalides, qui ne sont pas qu’amoindris, qui sont aussi des gens capables. C’est le deuxième effet des discussions qui sont lancées à partir de la critique des barèmes médicaux : celui de formuler une figure positive des invalides, certes fragile, mais fermement affirmée.
Au travers de controverses techniques dont l’enjeu pratique est le montant des indemnisations, les mutilés dénoncent tout d’abord l’absurdité de l’idée d’invalidité totale qu’exprime l’attribution d’un taux de 100 % d’invalidité. « Tant qu’un corps humain a de la vie, l’invalidité peut toujours croître, et ce, jusqu’à la mort » (Le Grand Invalide, organe officiel de la fédération nationale des plus grands invalides de guerre, 1932, n°88)2. Et comme les raisonnements absurdes par lesquels on peut être considéré comme étant à la fois en vie et totalement impuissant ont des conséquences sur le plafonnement des indemnisations, les mutilés essaient de modéliser autrement les incidences fonctionnelles de leurs troubles organiques. Il substituent au décompte en pourcentage un décompte en degrés, donc sans limite maximale. « Alors ? Alors il ne faut plus parler de pourcentage d’invalidité ou d’invalidité absolue; il ne faut plus parler de plafond. Changeons de méthode, “pourcent” deviendra “degré” et il n’y aura plus qu’à laisser la parole aux barèmes, le plafond s’établira de lui même. Il ne sera plus 100%, mais 400 ou 500 degrés, peut-être davantage ».
Ce déplafonnement des invalidités et des indemnités implique pour les mutilés de modifier les raisonnements médico-légaux sur l’addition des troubles fonctionnels dans les invalidités multiples. Les barèmes officiels procèdent en effet par minoration des invalidités cumulées, de manière cohérente par rapport aux évaluations en termes de totalité et de pourcentage : s’il reste moins de capacité à une personne valide qu’à une personne invalide, la survenue d’une nouvelle invalidité ne peut ôter à l’invalide que moins de capacités qu’à une personne valide. Or, expliquent les mutilés, il faut au contraire considérer que les invalidités cumulées s’aggravent les unes les autres, qu’il est plus grave par exemple de devenir manchot quand on est déjà aveugle que quand on y voit. « C’est-à-dire que, non seulement la deuxième infirmité doit recevoir le degré d’invalidité indiqué par le barème, mais qu’elle doit recevoir une majoration de degrés pour tenir compte de la plus grande importance que comporte pour un individu la perte d’un organe lorsque l’organe jumeau est déjà atteint. […]. Ce n’est plus 90+90 ni 65+65 qu’il faudra dire, mais bien 90+(90xX); 65+(65xX), X représentant la valeur d’un coefficient à déterminer, et qui s’appellera si l’on veut: “coefficient de retentissement” ».
Ces prises de position sont cruciales d’un point de vue pratique pour le calcul des indemnisations, mais aussi pour leur portée théorique, éthique et politique. Dire qu’il n’y a pas de plafond d’invalidité et que le cumul des incapacités les aggrave, c’est affirmer qu’il y a des capacités tant qu’il y a de la vie, par une puissance positive que l’on ne peut totaliser ; l’incapacité n’est donc pas définissable par une soustraction, car elle s’expérimente d’abord par une aggravation des difficultés. La caractérisation négative des incapacités, par laquelle celles-ci sont closes sur elle-même, est ainsi doublement abstraite. Premièrement, elle fait négliger que l’impuissance est seconde par rapport à la puissance, qui doit d’abord s’exercer avant de rencontrer ses limites. Deuxièmement, elle ne permet pas de voir, dès lors, que les incapacités ne sont pas plus définissables a priori que la puissance d’agir des individus. Il peut y avoir autant de formes d’échec que de tentatives. Les mutilés de guerre indiquent là une leçon dont il n’est pas sûr qu’elle ait été bien entendue. L’invalidité n’est pas une impuissance. Cet enseignement positif possède aussi une face sombre, car cela signifie qu’elle est un affrontement continu et acharné, à l’issue toujours incertaine, entre la puissance d’agir et ce qui y fait obstacle.
Cette remise en cause initiale des lectures étroitement organiques de l’invalidité, dès l’après Première Guerre Mondiale s’appuie sur des expériences que l’examen des seuls corps ne peut saisir pour toucher aux questions techniques et au fonctionnalisme abstrait des barèmes. Elle s’appuie sur le vécu des mutilés qui s’efforcent de les traduire dans les termes des expertises médico-légales. On peut croire que la fragilité des discours experts et leurs conséquences ont poussé les mutilés à réfléchir et à mettre en commun leurs vécus pour les formaliser au maximum. Tout d’abord, disent les mutilés, il faut apprécier l’effet d’ensemble d’une perte fonctionnelle. Ce qu’on pourrait croire local, et donc aisément compensable, peut conduire en réalité à un affaiblissement de l’organisme dans son entier auquel la médecine doit s’attacher par un suivi sur le long terme. « […] En examinant la situation des deux cas d’amputation physique, nous constaterons non seulement une diminution physique due à l’ablation, mais très souvent une diminution psychique et une diminution des fonctions générales qui portent non seulement sur le membre absent, mais encore sur les réflexes des autres membres. Les répercussions d’une amputation ne peuvent qu’à la longue être constatées par des phénomènes physiologiques que la médecine a été à même de contrôler » (Union des mutilés rééduqués (Ecole de l’Union des colonies étrangères en France), 1929, n°24)3.
Ce qui est vrai au niveau des corps sur lesquels il faut élargir les regards anatomo-physiologiques habituels l’est aussi – et encore plus – au niveau des interactions quotidiennes avec nos environnements grâce auxquelles nous agissons. Il est très difficile d’y modéliser quoi que ce soit a priori. Chaque agencement doit être apprécié et construit au plus près des individus. Ce type de suivi devrait être indispensable pour les aménagements de la vie quotidienne dont les difficultés de détail n’apparaissent pas aux premiers regards alors qu’elles peuvent se révéler les plus pénibles. « Dans son activité personnelle, a-t-on réfléchi une minute qu’il sera bien difficile, sinon impossible à un amputé du bras, de se vêtir seul, pour passer un pantalon, mettre son col ou lasser ses souliers, de se raser, de tailler ses ongles, de se baigner, de découper de la viande dans son assiette, de planter un simple clou chez lui, etc ? ». De manière plus inattendue peut-être, il faut aussi exercer cette attention au particulier pour les activités professionnelles, où les « petits métiers » et les prothèses sont bien loin de résoudre tous les problèmes. Au sujet d’un amputé du bras, un intervenant du journal de L’union des mutilés rééduqués écrit : « Est-il dans un bureau ? Il lui est impossible de saisir les gros volumes, de tenir les pages sur lesquelles il écrit, ou de classer un dossier. Ce sont ses compagnons qui doivent l’aider à chaque instant dans mille petits détails. Est-il à l’atelier ? Inutile de songer à tenir un outil et à continuer sa profession comme s’il était un ouvrier habile. Il en réduit à un rôle de manœuvre, devant une machine qui ne nécessitera qu’un bras, et elles ne sont pas légion… Et c’est ainsi que, pendant tout le cours de la guerre, les vaillants qui sortaient des hôpitaux en étaient réduits la plupart du temps, et malgré la rééducation, à chercher des emplois tout à fait secondaires: gardiens de nuit, surveillants, pantalons, etc. tous emplois rétribués et sans perspective d’avenir ».
Tandis que les invalides de guerre ne sont plus automatiquement relégués au fin fond des hospices, il leur est possible de souligner l’extraordinaire complexité du fonctionnalisme qui s’instaure à leur sujet et de dire, déjà, que les problèmes posés par une invalidité ne peuvent être résolus que par un accompagnement personnalisé, quotidien, tissé par de longues expérimentations. Nous parvenons à peine aujourd’hui à mettre en application cette idée, qui fut énoncée dès les années 1920.
Au final, c’est la souffrance comme douleur au sens strict qui est réinjectée dans l’évaluation des invalidités, alors que les lectures en deviennent de plus en plus fonctionnalistes et pragmatiques. Tout en reconnaissant toute la nouveauté de ces lectures, il ne faut pas non plus laisser penser qu’elles permettent de tout caractériser du vécu des invalides. La douleur physique peut être en effet constamment présente expliquent les mutilés, en se produisant de manière répétée à la faveur des moindres détails, température, frottement, etc. Elle épuise alors. « Le caractère se ressent d’ailleurs de souffrances continuelles, de l’impossibilité des gestes qui viennent spontanément par réflexe, de la douleur que représentent tous les changements de temps, la blessures agissant à la façon des rhumatismes, suivant les fluctuations du thermomètre. Ce bras où cette jambe crispés que l’on continue à percevoir, en dépit de son absence, des chocs involontaires subies par un moignon toujours sensible, des accidents fréquents qui se produisent malgré toutes les précautions, continuent à rendre le caractère ombrageux. Que dire en outre des vêtements et du linge aussi bien pour le bras que pour la jambe ? ».
On se trouve là au plus près de l’individuel, au plus difficile à objectiver, et donc à généraliser. Certaines choses semblent extrêmement difficiles à compenser et à oublier. « Mais si, à côté du facteur physique et matériel, nous examinons le facteur moral nous comprenons que le législateur n’avait certainement pas pu se rendre compte de ce que l’expérience seule nous a appris, c’est-à-dire les privations morales de toutes sortes que comportent les mutilations. Pour le bras comme pour la jambe, plus de jeux virils ou d’adresse, adieu les sports ! […] Adieu l’esthétique de la silhouette ou de la marche ! Adieu les jeux avec les enfants ! ». C’est parfois à une vie autre qu’oblige l’invalidité, à la fois à cause des impuissances et contre elles. Joe Bousquet en est peut-être l’incarnation la plus célèbre parmi les invalides de guerre, lui qui est venu à l’écriture après la blessure de guerre qui le laissa paralysé et alité dans une chambre. Il faut se garder, pour cette raison, de toute appréciation préconçue des vies invalides, comme le reconnaissaient les mutilés eux-mêmes, par exemple dans ce propos qu’il vaut la peine de citer longuement. « Dans nos milieux de mutilés eux-mêmes on hésite à affirmer que tel mutilé est plus ou moins invalide que tel autre. N’avez vous jamais assisté à la discussion amicale entre un amputé du bras et un amputé de la cuisse ? Mieux encore le mutilé qui porte à lui seul ces deux amputations ne sait pas trop lui-même s’il est plus handicapé par son bras ou par sa jambe. Comment s’étonner après cela de la petite anecdote suivante: L’un de nos camarades nous disait un jour: “Je plains de tout mon cœur mes camarades aveugles, je m’en voudrais de faire un rapprochement entre mon infirmité et la leur, pourtant, lorsque m’en faisant un devoir, je cède mon tour pour monter dans l’autobus, je ne puis m’empêcher que je souffre physiquement plus que lui à rester debout pour attendre l’autobus suivant”. A priori, la remarque peut paraître juste. Elle est pourtant inexacte, car l’immobilité debout est très pénible pour un aveugle » (Le Grand Invalide, organe officiel de la fédération nationale des plus grands invalides de guerre, 1937, n°124).
On retrouve chez les invalides civils, dix ans après la fin de la guerre, les mêmes thèmes, revendications et analyses, mais avec des différences d’accentuation. D’une part, cette chronologie s’explique, semble t-il, par la façon dont les droits accordés aux invalides militaires, et dans une certaine mesure leur exemplarité, ont suscité des désirs de réformes chez les civils, jusque là condamnés à l’assistance la plus frustre, les aides familiales et l’hospice. On ne trouve en tous cas pas avant-guerre de revendications ou de textes des infirmes civils tels que ceux de la fin des années 20, qui concordent avec le sort nouveau des Anciens Combattants. D’autre part, il faut cependant noter qu’il n’y a pas de solidarité d’ensemble entre les invalides militaires et les invalides civils, ce qui justifie de les étudier séparément, successivement, bien que leurs discours soient liés. Un écart dans les propos et les vécus apparaît ainsi, par les différences de traitement social entre les civils et les militaires, comme nous allons le voir à présent. S’il y a répétition, c’est qu’il y a différence.
2.3 Des mutilés de guerre aux handicapés civils : extension, reprises et décalages
Pour comprendre le phénomène de reprise, il faut suivre de près le parcours de Suzanne Fouché et André Trannoy qui furent à l’origine, avec leur réseau, des principaux mouvements d’handicapés civils en France avant 1945 ainsi que des projets conçus durant cette période (dont on peut prolonger l’hégémonie au moins jusqu’aux années 1970).
Atteinte par la tuberculose sous sa forme osseuse peu avant son bac, en pleine jeunesse, en janvier 1918, d’une famille relativement aisée, Suzanne Fouché fut en effet à l’origine de l’ADAPT, la Ligue pour l’Adaptation au Travail du Diminué Physique en 1929, qui se retrouve à la racine de toutes les principales associations d’invalides civils d’avant et d’après 1945 (Fouché, 1981). C’est en effet dans les locaux de l’ADAPT que fut fondée l’Association des Paralysés et Rhumatisants fin 1935, future Association des Paralysés de France l’APF (Faire Face, 1935, n°30 ; Trannoy, 1983); c’est un collaborateur de Fouché, Maurice Henry, qui fonda Auxilia, la troisième grande association de ce type; c’est enfin en décembre 1944 que fut fondée la FAGERH, fédération des associations de post-cure, au domicile de Fouché. Ces quatre structures existent encore actuellement et font partie des plus importantes en matière de formation et d’insertion professionnelles des personnes handicapées. Trannoy pour sa part fut à l’origine de l’APF sans connaître Fouché, même si celle-ci prêta ensuite son concours à la fondation formelle de l’association. En mars 1933, il lança un bulletin de liaison entre invalides physiques, Faire Face, et en mai 1934 l’Association des Paralytiques et Rhumatisants, officialisée donc quelques mois plus tard (Faire Face, 1957).
Ce sont bien les anciens combattants qui donnèrent à Trannoy les premières impulsions, et les premières prises de distance avec ce qui se faisait pour les invalides. Celui-ci consacre quelques lignes, amères, à l’une de ses nombreuses mésaventures où il fut désavoué comme indigne au milieu de mutilés de guerre, lors de cérémonies de commémoration. « D’autorité, choisit-il de raconter, je suis placé aux côtés des mutilés de Verdun, gueules cassées, grands mutilés, à la poitrine bardée de décorations. Ceux-là ne s’y trompent pas et sont indignés de mon intrusion. “Si c’est pas malheureux de nous coller ici des gosses comme ça !”. Une pléiade de généraux s’avance. Weygand, chef d’état-major, fait demi tour à deux mètres de moi, claque des talons, salue les mutilés qui répondent du même geste, main droite au béret. Ses yeux se posent sur moi, qui ne bouge pas, bras morts, chapeau collé à ma tête. “Infirme civil”. Je ne suis que cela, et ce n’est pas glorieux. Dans le cas présent, c’est même humiliant, moche. J’apprendrais dans la suite que la discrimination a des conséquences autrement inquiétantes qu’une courte honte. Nous ne sommes pas “du même monde” » (Trannoy, 1983). On peut croire que la différence des droits sur la base de la seule origine des invalidités l’amena à exiger l’obtention d’une égalité de droit sans conditions.
L’impact des anciens combattants sur Suzanne Fouché est peut-être encore plus net, et frappant. C’est en prenant conscience de ce qui se faisait dans les villages sanatoriums anglais, du projet de Clairvivre qui la mit en rapport avec les Anciens Combattants et avec de La Rocque, avec lequel elle travailla que celle-ci dit avoir eu l’idée de la réadaptation professionnelle adaptée aux tuberculeux civils. C’est aussi au cours des ateliers de lecture de l’association des malades catholiques qu’avait créé Fouché que se partagent les récits autobiographiques ou biographiques exemplaires de Jacques d’Arnoux, officier aviateur sorti paralysé de 14-18 et de Geneviève Hennet de Goutel, infirmière de guerre tuée en 1917.
Les histoires personnelles, mais aussi les réseaux de Fouché et Trannoy croisent donc les anciens combattants et leurs droits, même si les dispositifs consacrés à la remise au travail des tuberculeux jouent aussi leur rôle (il ne faut pas oublier cependant que ceux-ci, entre autres choses, poursuivaient des objectifs de guérison parallèle au travail, impossibles avec les infirmes). Il est alors frappant de voir à quel point Trannoy et Fouché, ces deux personnages centraux de l’histoire des handicapés en France, ont commencé par répéter les mêmes projets, jusque dans l’ordre des procédures, que ceux que l’on trouve initiés avec les mutilés de 14-18 : faire accéder les infirmes au travail pour des raisons d’économie et d’insertion sociale en assurant d’abord la santé et le maximum de forces, puis l’orientation professionnelle et l’apprentissage. Soins médicaux, rééducations fonctionnelles et professionnelles. Fouché, lors d’une intervention publique en 1928, déclare ainsi à la première conférence internationale du service social ceci, qu’il faut citer longuement pour y voir tous ces éléments repris:
« Au nom des infirmes et pour la prévention du chômage, nous demandons au service social de s’intéresser activement à la reprise du travail des diminués physiques et de bien vouloir s’employer à la solution des problèmes suivants: 1. Que tout infirme relevant de l’Assistance Publique soit soigné et appareillé, non pas au rabais mais selon les meilleures méthodes; 2. Qu’une commission d’orientation professionnelle union étroite avec l’hôpital, guide l’infirme dans le choix d’un métier; 3. Que ce métier soit enseigné aux frais de l’Etat dans des centres d’adaptation professionnelle, puis éventuellement facilité par la création d’ateliers spéciaux, d’emplois réservés; 4. Qu’un médecin surveille la reprise du travail, en fixe la durée, ait le droit d’imposer un repos momentané, dans un établissement spécial. Grâce à ces mesures, l’infirme consoliderait sa guérison, évitant la rechute qui encombre d’incurables les hospices. Mais surtout, reprenant lui-même la responsabilité de sa vie et ayant reconquis son indépendance économique, non seulement il dégrèverait les budgets d’assistance, mais il deviendrait un contribuable, collaborant pour sa part à la prospérité de “son pays” (Fouché, 1981, p. 117).
Fin 1935, du côté de Trannoy, la formation de la Mutuelle des Amicales de Malades, à partir de l’Association des Paralysés et Rhumatisants déjà existante, reprend les mêmes buts : la « rééducation professionnelle pendant le traitement des malades et infirmes », « créer et entretenir des centres de rééducation professionnelle et d’adaptation au travail, des ateliers spéciaux », « verser des secours pour la réadaptation professionnelle aux malades et aux infirmes incapables, par leurs propres moyens, de se réadapter au travail » (Faire Face, 1935, n°31).
Il faut néanmoins remarquer un manque dans ces revendications communes : celui d’une pension d’invalidité, qui n’est pas évoquée. Il était sans doute hors de propos, dans l’entre-deux-guerres, de formuler une telle demande pour des invalides que la société n’a pas sacrifié à la guerre ou au travail. Les principaux efforts de Trannoy et Fouché portent donc sur le statut professionnel. Là n’est pas la seule différence entre civils et militaires dont les positions sociales respectives n’amènent pas tout à fait aux mêmes demandes.
Comme les périodiques des mutiles de guerre, mais en quelque sorte sans eux, Faire Face fut pour Trannoy un bulletin de liaison et d’information, un moyen de créer une communauté des handicapés civils avec lesquels les anciens combattants ne voulaient pas se mêler. Mais dans les écrits des civils se lisent beaucoup plus que dans ceux des militaires la nécessité de témoigner de son existence et des difficultés personnelles, de la souffrance physique et psychique au-delà des informations médicales ou financières. Pour les handicapés civils, il fallait avant tout mettre fin à l’isolement et à la misère – corrélé, mais pas seulement, à l’absence de travail. L’une des premières choses mise en place, des cahiers de liaisons, Les cordées, poursuivait explicitement ce but et recèle par exemple des récits d’infirmes attachés toute la journée sur une chaise chez leurs parents, ou des existences ballottées plusieurs années durant d’hospices en hôpitaux en passant par les accueils familiaux.
Chez Fouché également, malgré l’âpreté de ses combats incessants pour le travail, se trahit le souci de la simple activité existentielle, humaine, à laquelle les pensionnaires des sanatoriums et des hospices ne pouvaient pas nécessairement se livrer. Celle-ci dit avoir commencé ses interventions tout autrement que par sa conscience des précédents de la Première Guerre Mondiale: en cherchant à inciter les malades à l’activité contre l’ennui, et aussi pour la valeur de l’activité elle-même. Son récit insiste sur ce que sa démarche eut de spontané, de non référencé, à la suite d’un chahut de tuberculeuses en 1920, qui l’amena initialement à la création de l’Association des Malades Catholiques de la Tuberculose en 1926. Pour elle également, l’activité, la possibilité d’agir était fondamentale et ne se confondait pas avec un droit à la réparation ou avec l’aménagement d’une survie.
Si les invalides civils ont, de la sorte, réclamés les mêmes droits que les invalides militaires, ce fut en fonction de leur situation sociale propre, celles de personnes isolées, que ne reliaient pas le passé guerrier et que la société reconnaissait comme des victimes du destin, mais non de la société. La quotidienneté des rapports humains et la possibilité d’exercer un travail furent donc chez eux, sans paradoxe, deux revendications hypertrophiées sur le fond des possibilités communes ouvertes tragiquement par la Première Guerre Mondiale aux personnes handicapées.
3 Conclusion
Les lois de l’après Première Guerre Mondiale en faveur du travail des invalides furent sans aucun doute centrales pour le devenir des invalides physiques, civils et militaires, dans l’entre-deux-guerres et au-delà. Elles représentent un bouleversement structurel pérenne, que les invalides ont dû toutefois défendre, et par rapport auquel il leur a également fallu se situer, en pensant leurs choix. De la sorte, dans le cours historique incertain, complexe et enchevêtré des invalidités entre les années 1910 et 1930, le droit au travail avec pension constitue le foyer d’une expérience nouvelle de l’invalidité, c’est-à-dire le foyer de quelque chose de nouveau, qui s’appréhende progressivement, et qui oblige à réfléchir et à agir différemment. Des invalides militaires aux invalides civils, l’expérience, par effet de reprise, est similaire – celle de la liberté possible, de ses puissances comme de la souffrance singulière qui peut se dire avec cette liberté. Mais elle n’est pas tout à fait identique, à cause des différences de situation sociale des militaires et des civils. Aux côtés du travail, l’exigence de rapports sociaux, de témoigner, se fait particulièrement impérieuse chez les seconds, encore démunis. Il appartiendra à l’instauration de la Sécurité Sociale de systématiser le travail de tous en vue de défendre au mieux la santé de tous, ce qui prolongera et qui transformera ces expériences en modifiant à nouveau les possibles des handicapés.
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Stéphane Zygart