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À propos de La vie de radeau, le réseau Deligny au quotidien de Jacques Lin (2019)

À propos de La vie de radeau, le réseau Deligny au quotidien de Jacques Lin (2019)

   

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Transfinis - avril 2022

   


 

La vie de radeau, le réseau Deligny au quotidien de Jacques Lin est un livre bref, 160 pages, sur une histoire de 50 ans et qui comporte peu de dates. Ce n’est pas un texte bavard, bien que les actes n’y cessent pas, nombreux, incessants, qu’on devine prenants et fatigants par leur seul nom ou presque, même s’ils ne furent ni insensés, ni épuisants au point de provoquer l’abandon ou la disparition. Couper du bois, faire la vaisselle, aller chercher des châtaignes pour manger ou de l’eau, réparer un toit, se déplacer dans les montagnes, rapiécer une tente, faire du pain et de la soupe.

Tout cela fut fait en compagnie d’autistes ou autres, avec eux, sans beaucoup de paroles et, souvent sans doute sans paroles du tout, mais avec une attention sans faille aux choses, à leurs connexions et à leurs répétitions, auxquelles autistes et non-autistes concourent. Jacques Lin et ses frères mettaient chacun un caillou dans un verre, posé dans un ruisseau, lorsque l’un deux disait quelque chose au sujet de qui se trouvait là. À celui qui avait le plus de cailloux de laver, le jour d’après, le linge souvent souillé. Ils allaient aussi remettre, en pleine nuit, une écorce d’orange laissée à l’envers dans une montagne, à laquelle un autiste les menait après qu’il n’ait pas réussi à s’endormir le soir venu, et que l’angoisse l’ait pris. Pour que l’intégralité des tâches du quotidien soient faites et les disputes évitées, un panneau, accompagné des différents objets nécessaires à ces tâches (arrosoir, balai, marmite) fut créé, et tous alors, autistes et non autistes de mieux mener ces tâches. Attention à ne pas utiliser une marmite pour ramener de l’eau si celle-ci sert à faire la cuisine, à ne pas non plus trop faire de pain pour les villageois avoisinants et de trop parler, encore, sous peine d’angoisser ceux avec qui l’on se trouve.

On n’en saura guère plus, et c’est déjà beaucoup - 160 pages sur des agir possibles dont on n’avait pas idée, ou uniquement en étant pensif.

   

Stéphane Zygart